"Tous les arts martiaux sont nés sous le ciel de Shaolin".
Ce dicton illustre bien l'importance du Temple sur le plan des arts martiaux.L'histoire et la légende s'accordent pour faire du célèbre monastère le centre du développement du Kung-Fu.
Le temple Shaolin originel est situé dans la province de Henan à environ sept cent kilomètres au sud de Pékin et à une centaine de kilomètres de La ville de Luoyang qui sera pendant près d'un millénaire la capitale de l'empire jusqu'à l'arrivée de la dynastie Tang (618-907). Cet endroit est l'un des plus sacrés en Chine. Quatre chaînes de montagnes s'étendent aux quatre points cardinaux. Au centre se trouve le Song Chan (Montagne du Centre). Pour les chinois, il s'agit du centre du monde.
464
Un moine indien, Batuo (Fa tuo en chinois), arrive en chine pour enseigner le bouddhisme.
495
L'empereur Hsiao Wen (ou Hsio Wen) fit construire le TEMPLE DE SHAOLIN en l'honneur du moine BATUO. Son but premier était de servir de plate-forme pour les moines indiens qui venaient traduire les oeuvres Bouddhistes ("sutras") en chinois. Le nouveau Temple porte alors le nom de Shaolin Shi (Monastère de la petite Forêt), et l'empereur lui décerne le titre de premier monastère sous le ciel.
525
Arrivée de Bodhidharma (Puti Damo ou Damo en chinois), moine indien venant de Kanchipuran, troisième fils du roi Sughanda de Madras, vingt troisième patriarche de l’école Mahâyana, dit du "Grand Véhicule", jouissant déjà d’un grand prestige religieux, il voyagea en Chine pour prêcher un enseignement qui deviendra plus tard les prémisses de la forme la plus chinoise du bouddhisme, le Chan (Zen en japonais). Parfaitement adapté à la mentalité chinoise et à ses aspects taoïstes, le Chan met l’accent sur le caractère intuitif de l’approche intellectuelle proposée aux adeptes qui accèdent à l’illumination après avoir fait le vide à l’intérieur d’eux mêmes, en s’appliquant l’absence totale de toute pensée (wuxing), ce qui finalement est assez comparable au concept du wu-wei, du non-agir des taoïstes.
Damo fut invité chez l’Empereur Liang Wud. L’Empereur lui demanda s’il est honorable et élogieux d’avoir construit plusieurs temples . Damo répondit qu’il n’y a rien d’honorable, d’élogieux ni même de vertueux à construire des monastères ou d’avoir ordonné des moines: "Ce qui est vertueux, c’est de se purifier, de parvenir à la sagesse et à l’éveil, d’être en détachement total envers le monde extérieur, voilà ce qui est vertueux et non la construction de Temples." Sur ces mots, l’Empereur se mis en colère et chassa Bodhidharma du palais.
Bodhidharma traversa alors le fleuve jaune sur un roseau, d'après la légende, et se dirigea vers le Monastère de Shaolin…
La tradition veut qu’il ne fût pas accepté à franchir les portes lors de sa première rencontre avec les moines, les raisons restent obscures. Il chercha dès lors un abri non loin de là et commença à méditer dans une caverne, méditation qui allait durer neuf années consécutives.
Un jour, furieux de s'être assoupi, il se coupa les paupières et les jeta à terre: elles donnèrent naissance à un théier.
Après une longue réflexion solitaire et désormais admiré de tous pour ses convictions religieuses et son aura hors du commun, il fût invité au sein même du temple. Il trouva les moines dans une condition physique déplorable les empêchant de pratiquer correctement la méditation. C’est donc vraisemblablement durant ses années à Shaolin que Damo écrivit des textes décrivant les pratiques de Qi Gong pour le développement du corps et de l'esprit: Le Yi Jin Jing (Classique de la Transformation des Muscles et des Tendons), et le Xi Sui Jing (Classique du nettoyage de la Moelle et du Cerveau) ; exercices mis au point dans le but d’endiguer cette déplorable faiblesse, cet état léthargique dans lequel les moines se trouvaient, venant très certainement de la forme de méditation passive du Bouddhisme Chan.
On ne peut dire précisément quand cet apprentissage se mua en art martial. Mais les moines reprirent plus tard le Yi Jin Jing pour le développer, celui-là même qui donna naissance au LuoHan ShiBa Shou (les 18 mains des disciples du Bouddha). Certains textes mentionnent que c’est Damo lui-même qui créa le LuoHan ShiBa Shou, les légendes et les histoires s’entremêlent en Chine, comme celle qui veut que le LuoHan ShiBa Shou soit à la base des Arts Martiaux de Shaolin
Déçu de voir que les moines préféraient l'aspect martial de son enseignement, Bodhidharma décide alors de quitter le monastère…
557
On dit Bodhidharma mort. Mais dans sa tombe, on ne trouvera qu'une sandale et une robe… Des témoins le verront en route vers l'Inde, chevauchant un tigre et chaussé d'une sandale!
En fait, les techniques de combats à mains nues existaient en Chine bien avant l'arrivée de Bodhidharma. Contrairement à la légende, il n'introduisit pas les arts martiaux au Temple de Shaolin. Par contre, on lui doit la création du Bouddhisme Ch'an, qui allait fortement influencer l'évolution des arts martiaux…De plus, Bodhidharma reste celui qui leur amena la notion Wu Te (La vertue martiale).
Damo donna un nouvel élan aux arts martiaux en expliquant que ceux-ci devaient développer autant le corps que l'esprit…
626
Le prestige militaire et la renommée martiale de Shaolin prennent naissance au début de la dynastie Tang (618-907). Li Shimin (nom original de Tang Taizong) était jeune, très talentueux, et compétent dans les stratégies et tactiques militaires. C'est à l’age de vingt et un ans, sous le commandement de son père, Li Yuan qu'ils prirent ensemble la capitale, Chang’an et que Li Yuan se nomma lui-même l’Empereur Gauzu et ainsi établit la nouvelle Dynastie Tang. Chargé de l'armée de Guangdong il défia la rébellion et après seulement quelques années permit a la dynastie Tang de mûrir au sein d'une Chine unifiée. C'est en 621 que Li Shi Ming livra une bataille décisive contre le Roi Wang Shi-chong.
Treize Moines guerriers de Shaolin furent autorisés à l'assister dans sa tâche et l'arrachèrent même à sa propre mort au cours de la bataille.
Dans la légende, on dit que le Temple n'envoya que treize de ses moines guerriers pour combattre une horde Mongole forte de 500 hommes. En fait, on ne connaît pas le nombre exact d'hommes dans les deux armées… La seule chose de sûre, c'est que dans la légende comme dans la réalité, l'armée Mongole fut anéantie.
Plus tard, dans la neuvième année de Tang Gauzu Wude (626 Après J.C), Gauzu son père renonça au trône, et Li Shimin devint Empereur sous le nom de Tang Taizong.
Il récompensa alors le temple de Shaolin avec au moins trois cent hectares de terre et accorda le droit aux moines de posséder et d'entraîner leurs propres soldats (Wu seng ou Seng bing en chinois moderne). Il proposa aux moines des charges à la cour mais ceux-ci refusent en disant: "Maintenant que le monde est en paix, nous rentrons au monastère, mais si le pays a besoin de nous un jour, alors nous livrerons combat à nouveau!".
L'Empereur conféra au Temple le titre de premier monastère de l'Empire et offrit une stèle imposante. Par décret, il leva l'interdiction de consommer de la viande et du vin. La création de la première forêt de pagodes date de cette époque…
VIII éme siècle.
Une tension croissante va naître entre les autorités politiques et le clergé bouddhique. Ainsi tombent les premières répressions menées par l'état et se développe un sentiment antibouddhique prononcé. Le pouvoir en place ne cache pas sa volonté de museler la puissance de ces grands monastères accusés à tord d'amasser d'immenses richesses, alors qu'il n'arrivent même plus à gérer leurs propres dépenses.
845
Cette année là, après les persécutions menées par l'empereur Tang Wu Zhong, le bouddhisme ne dominera plus jamais la société chinoise comme cela a été le cas au temps de sa splendeur.
890
Le temple de Shaolin fût forcé d'être abandonné lors de l'abolition des monastères suite au décret Impérial.
960 et 975
Durant la Dynastie des Song (960 à 1126), le temple est détruit à deux reprises par ordre du général Zhao Kuangyin porté au pouvoir par un coup d'Etat militaire en 960, celui-là même qui fonde à Kaifeng la dynastie des Song du Nord.
Selon les annales de Shaolin, c'est à cette époque qu'un moine du nom de Qiu Yue Chan Shi développe la technique du LuoHan ShiBa Shou pour en faire les “Cent Soixante-treize Techniques”. Il est également à l'origine d'une compilation de toutes les techniques utilisées par Shaolin dans un ouvrage intitulé “Les Cinq Poings ou Animaux” (Dragon, Tigre, Serpent, Panthère et Grue).
1362
Arrivé de HongWu, le premier Empereur de la dinastie Ming, c'est toute la Chine qui tend à se réunifier. C'est à cette période, sous la dynastie des Ming (1368-1644), que le Kung Fu Shaolin atteint son apogée. Prouvant à de nombreuses reprises leurs qualités de combattant, pour la seconde fois s’exerce un rapport direct et privilégié entre le temple et la Cour Impériale. Plusieurs centaines de moines reçoivent un statut militaire et le prestige par suite de diriger des campagnes contre les Wokou (Pirates Japonais) nombreux à travers la Chine à cette époque. Un grand conseil (une police secrète) est créé en lien étroit avec la cour et le Temple. Un moine de Shaolin, Chang Wo (1376-1428) est nommé à sa tête. Ses divers voyages auront pour mission de renseigner l'Empereur sur les faits et gestes des pays voisins. Néanmoins, combattant redoutable, il n'hésite pas à démontrer ses talents. Parcourant Okinawa, (les écoles non Chinoises en porte le nom de Shaolin (Shorin à Okinawa)), la Malaisie (SaoLim) et les pays limitrophes, le Vietnam (Thieu Lam), la Corée, la Thaïlande, le Cambodge, il est probablement le premier à faire connaître le Wushu en dehors des frontières de la Chine.
Si ce n'est pas à cette époque que la très célèbre phrase “Tous les Arts Martiaux de ce monde furent créés sous le soleil de Shaolin” elle y prend néanmoins tout son sens. Et s'il reste encore des zones d'ombre dans l'histoire de Shaolin, les spécialistes et auteurs modernes s'accordent tous sur un point : C'est bien là que s'est développé un système de combat complexe et singulier qui restera pendant des siècles la référence de la plupart des écoles d'arts martiaux asiatiques.
1644
La dynastie des Ching s'installe au pouvoir. Tous les monastères suspectés d'avoir été le foyer de rebellions quelles qu'elles soient sont rasés, la répression est féroce.
1736
Kien Long décide d'en finir avec Shaolin, le Temple du mont Song est en partie détruit. Seuls 5 moines parviendront à en réchapper et donneront naissance à 5 styles uniques : Le Hung Gar, Le Liu Gar, Le Choi Gar, Le Li Gar et Le Mo Gar.
Le temple ne sera pas rebâti avant 1800.
1928
Le Temple de Shaolin cesse d'être un centre religieux. Un autre seigneur de guerre, Fang Chung Hsueh, en fait sa base. Attaqué par le général Hi Yousan, il évacua le Temple avec les moines. Fou de rage, Hi Yousan fit brûler les archives du monastère, et notamment celles qui se rapportaient aux arts martiaux. Par chance, les principaux bâtiments furent épargnés par le feu…
1966
Le Temple Shaolin du Hénan subit quelques dégradations de la part des Gardes Rouges. A l'époque les arts martiaux étaient dénoncés comme pratique féodale.
1972
Lors de sa visite en Chine, le Président américain Richard Nixon en compagnie de son conseiller Robert W. Smith, insista pour visiter le monastère. Les officiels chinois, dont certains n'avaient jamais entendu parler de ce Shaolin tentèrent de le dissuader, mais Richard Nixon insista. Pour atteindre le monastère oublié, il fallut dégager une route au bulldozer et dynamiter les lourdes portes qui refusaient de s'ouvrir. Le temple fut restauré dans les années 1970 par des fonds japonais du maître So Doshin, fondateur de la puissante école Shorinji Kempo.
1978
Le Temple de Shaolin du Hénan a rouvert et des travaux ont été entrepris pour sa restauration. On a créé une sorte de musée en plein air, où des mannequins de bois retracent l'histoire du monastère…
1981
Réouverture officielle du temple de Shaolin. Les dirigeants chinois assistèrent alors à une démonstration de Kung Fu Shaolin exécuté par des artistes martiaux (japonais). En quelques années, le style Shaolin sera reconstitué à partir d'illustrations, d'exercices de gymnastique, et de Kung Fu sportif (Sanda). C'est dans les années 1980 que le Kung Fu a commencé à connaître un succès planétaire grâce à des démonstrations spectaculaires et à des numéros bien rodés.
1987
Shaolin a reçu 2 millions de visiteurs, chinois en grande majorité…
Avant 1984, n'importe qui pouvait devenir moine; depuis cette date, le gouvernement choisit les postulants dans une académie bouddhiste. Il existe 2 sortes de moines: Ceux qui résident au monastère en suivant les préceptes du Bouddhisme (ceux-là ont fait vœux de pauvreté, obéissance et chasteté), et ceux qui viennent seulement étudier auprès des moines: Eux peuvent se marier et mener une vie normale; ce sont les Maîtres disciples des moines de Shaolin.
Aujourd'hui, conscientes de l'intérêt suscité par les arts martiaux chinois auprès des occidentaux, les autorités de la province du Hénan ont ouvert en septembre 1988 le centre de Kung Fu de Shaolin. Situé tout près du célèbre monastère, ce centre comprend hôtel, restaurant, salles de spectacle et d'entraînement. Il est destiné à accueillir des stagiaires chinois et occidentaux; alors si vous êtes intéressé: bon voyage et bon entraînement!
Depuis la fin de la Révolution Culturelle, les choses ont bien changé; désormais, les autorités chinoises cherchent à promouvoir le Wu Shu, version sportive de l'art martial, et même à en faire devenir une discipline olympique.